« He’s my baby »
Johan POEZEVARA
Marie-Rose a 69 ans.
Avec son mari Albert, ils habitent un petit appartement de Saint-Gilles où elle laisse libre cours à sa passion spatiophage pour Elvis Presley. Ce qu’elle considère comme un musée (livre d’or à l’appui) semble, lorsqu’on s’y penche un peu plus, constituer une véritable carte tridimensionnelle du cerveau du King.
On y trouve toutes sortes d’objets, liés de près ou de loin aux chansons, aux animaux de compagnie ou aux pêchés mignons de son idole. Il s’articulent les uns au autres de façon synaptique par le biais des fleurs en tissu, elles aussi omniprésentes. Dans tout ce capharnaüm, « il y a tant à faire tomber », les photos de familles arrivent tout juste à se ménager une place.
Boudée par le fan club bruxellois pour son extrême dévotion à Elvis, le gros de sa collection se constitue de cadeaux faits par sa famille, ses amis ou des anonymes ayant entendu parler d’elle, chinés d’un peu partout parfois même depuis Graceland, Memphis.
Graceland, c’est LA terre promise de Marie-Rose, son eldorado fantasmé.
Ce pèlerinage jusqu’au tombeau du Roi, elle ne le fera jamais, la faute à sa maigre pension de femme de ménage. Elle l’a reconstituée dans une pièce secrète, dans laquelle elle se rend chaque année pour très pieusement y allumer un cierge.
Sa passion prend chaque jour un peu plus de place dans sa vie depuis la mort de son père, foudroyé au même âge et d’une même crise cardiaque que le King, lorsqu’elle avait 12 ans.
Devant de vieux reportages gravés sur DVD, sur cette télévision happée par les bibelots, Marie-Rose passe d’instants d’euphorie; chantante, dansante, risquant à tous moments de faire tomber ses précieuses reliques, à une putain de mélancolie, lui arrachant des larmes au fil des couplets de «unchained melody ».
Bien qu’elle soit en repos forcé par son médecin, elle continue de nettoyer et dépoussiérer sa collection entre deux rendez-vous à la clinique. Elle en avait alors déjà 15 de prévus pour le début de l’année 2015.