La femme, le pouvoir et le phallus
Elisa DOS MARES GUIA-MENENDEZ
Introduction
Si c’est bien la domination masculine qui caractérise une bonne part des relations entre les sexes dans la civilisation, nous interrogeons ici la position des femmes de pouvoir, ainsi que le pouvoir des femmes sous l’optique de l’anthropologie psychanalytique. C’est un champ de recherche qui interroge la dimension de la culture, mais surtout celle de l’inconscient. Dans le champ analytique le phallus correspond à un terme investi de puissance, et dans le discours social une position phallicisée correspond à celle du pouvoir. C’est pourquoi nous allons traiter la question du pouvoir et de la femme sous l’optique du phallus.
Freud a toujours mis l’accent sur le fait que chez la femme la relation au phallus se fait autrement que chez l’homme. En effet, Freud a toujours signalé que le chemin vers la réalisation du sexe féminin était plus compliqué que celui qui tend à la réalisation du sexe masculin. Cette question devient plus flagrante en 1923, lorsqu’avec sa théorie du primat du phallus, il soutient que pour les deux sexes seul l’organe génital mâle joue un rôle, et annonce le primat du phallus. Pour Lacan le sujet, homme ou femme, ne dispose que du phallus pour s’orienter, c’est-à-dire que dans l’inconscient nous ne trouvons que la référence phallique.
C’est à partir de cette lecture de Freud et de l’enseignement de Lacan que nous allons soulever quelques questions : sous l’optique du phallus comment penser la question du pouvoir chez les femmes ? Posséder le phallus ou s’y identifier correspond-il au seul moyen de prendre une position de pouvoir ? La femme saurait-elle prendre une place de pouvoir, tout en sachant porter le masque de la féminité ? Ou encore, la relation de la femme au pouvoir pourra-t-elle se faire à travers une invention – qui ne passe pas forcément par l’identification phallique – et d’un savoir faire avec son manque ?
Quelques remarques concernant la relation de la femme au phallus
Freud s’est toujours intéressé à la féminité. Dans son mouvement de recherche pour trouver une réponse à la question Qu’est-ce qu’une femme ?, alors qu’il était également confronté à la difficulté de comprendre comment se passe la fin du complexe d’Œdipe chez la fille, il établit le chemin vers ce qu’il appelait la féminité accomplie[1] – un chemin par lequel il faudrait passer pour devenir femme. Ainsi, pour accéder à la féminité la fille devrait surmonter quelques étapes, tels que le changement de zone érogène, le changement d’objet d’amour mère-père, entre autres étapes à traverser pour achever ladite attitude féminine normale, qui était également associée au mariage et à la maternité.
Cette question est relancée avec la théorie du primat phallique dans laquelle Freud parle d’un seul organe génital, pas de l’organe mâle à proprement parler, mais de son absence. Bref, il parle du phallus et non du pénis, il ne s’agit pas de l’organe anatomique, mais de sa valeur symbolique. Cette conception met en cause la réalisation du sexe féminin dans l’inconscient, de ce fait Freud attribue à la réalisation subjective chez la femme une position essentiellement problématique. Et tout indique qu’il cherche des solutions pour cette impasse à partir de la logique d’une compensation au manque du pénis.
Lacan a identifié le caractère inassimilable de la réalisation du sexe féminin dans l’inconscient où nous ne trouvons que la référence phallique. Dans les années cinquante il annonce : « il n’y a pas à proprement parler, dirons-nous, de symbolisation du sexe de la femme comme tel. En tous les cas, la symbolisation n’est pas la même, n’a pas la même source, n’a pas le même mode d’accès que la symbolisation du sexe de l’homme »[2]. D’après lui, « là où il n’y a pas de matériel symbolique, il y a obstacle, défaut, à la réalisation de l’identification essentielle à la réalisation de la sexualité du sujet. Ce défaut provient du fait que, sur un point, le symbolique manque de matériel – car il lui en faut un. Le sexe féminin a un caractère d’absence, de vide, de trou »[3].
Lacan explique encore que c’est « la prévalence de la Gestalt phallique qui, dans la réalisation du complexe œdipien, force la femme à emprunter un détour par l’identification au père, et donc à suivre pendant un temps les mêmes chemins que le garçon »[4]. L’identification imaginaire passant par le père se fait « en raison de la prévalence de la forme imaginaire du phallus », c’est une phase inhérente au complexe d’Œdipe de la fille (ainsi que pour le garçon)[5]. Pour illustrer la question nous pensons au cas Dora. Selon Lacan, dans le moment où Dora s’interroge sur Qu’est-ce qu’une femme ? « Elle tente de symboliser l’organe féminin comme tel. Son identification à l’homme, porteur du pénis, lui est en cette occasion un moyen d’approcher cette définition qui lui échappe. Le pénis lui sert littéralement d’instrument imaginaire pour appréhender ce qu’elle n’arrive pas à symboliser »[6].
Lacan nous rappelle que Freud insiste sur le fait que le phallus n’a pas, pour une bonne raison, la même valeur pour celui qui le possède réellement, c’est-à-dire le garçon, et pour l’enfant qui ne le possède pas[7]. Cependant dans son enseignement il signale que c’est par la question d’avoir ou de n’avoir pas le phallus que la fille entre dans le complexe d’Œdipe, tandis que dans la logique freudienne le garçon, ce n’est pas par là qu’il y entre, c’est par là qu’il en sort. Lacan explique qu’« à la fin du complexe d’Œdipe, (…) ce qu’elle n’a pas (le phallus), elle a à le trouver dans le complexe d’Œdipe »[8].
Mais l’identification phallique, ou position d’équivalent du phallus, n’est-elle pas une « fausse solution » pour la sortie de l’Œdipe de la femme ? Si une position phallique est associée à une identification à la figure masculine, nous pensons la question de la femme dans ses rapports au pouvoir et à la féminité. Est-ce que le pouvoir se trouve lié à une manifestation de cette identification imaginaire au phallus ? Ou existerait-il un pouvoir des femmes, qui consisterait en un savoir-faire avec le défaut de la réalisation de son sexe ?
La mascarade ou les femmes de pouvoir
Nous allons donc aborder la question de la femme de pouvoir et de l’identification phallique dans ses rapports à la féminité à travers la mascarade. La féminité est-elle incompatible avec la position de pouvoir ? Ou s’agit-il d’une construction sociale ? En 1964 Joan Riviere dans son texte « La féminité en tant que mascarade »[9] interroge la féminité des femmes de pouvoir, ou, selon ses mots, la féminité « des femmes manifestement masculines ». Riviere souligne qu’il n’y a pas si longtemps certaines carrières étaient presque exclusivement l’apanage d’un certain genre de femmes, manifestement masculines[10]. Il est important de prend en compte le fait que son texte a été écrit dans les années soixante. En effet Riviere parle aussi de la place de la femme dans la civilisation. C’est tout une autre question, mais ici ce que nous intéresse c’est le fait qu’elle interroge la féminité de ces femmes.
Riviere se demande : « sont-elles manifestement masculines ? ». Nous pensons à l’Œdipe de la fille, surtout à l’identification à l’homme, porteur du pénis, en tant qu’un moyen d’approcher cette définition qui lui échappe – la signification de sa féminité. Riviere explique que beaucoup de ces femmes semblent répondre à « tous les critères d’une féminité accomplie »[11]. Ainsi que Freud, elle utilise le terme féminité accomplie pour parler d’une supposée féminité achevée. La psychanalyste explique que les « femmes masculines » correspondent à celles qui ne cachent pas leur désir d’être un homme ou leur revendication vis-à-vis des hommes. Tandis que celles qui répondent aux critères de la féminité accomplie sont « de bonnes épouses, d’excellentes mères (…) elles manifestent des intérêts spécifiquement féminins et se préoccupent de leur apparence »[12]. Elle se tient aux signes visibles de la féminité, et les prend en tant que repères pour représenter le sexe féminin. Pour elle des activités féminines correspondent aux activités passives, à la maternité, au mariage, à l’entretien de la maison. Tandis que les activités masculines correspondent à l’engagement professionnel, aux figures et position de pouvoir. Sa représentation de la féminité est traversée par le discours social.
Dans son texte, Riviere évoque le cas d’une femme qui selon elle « correspond à la description d’une femme d’une féminité accomplie ». Elle raconte que cette femme avait une excellente relation avec son mari, qu’elle était « très fière d’être une parfaite maîtresse de maison. De plus, elle avait remarquablement réussi dans sa profession. » Mais sa stabilité n’était pas aussi parfaite qu’elle le paraissait au premier abord[13]. La femme en question était professionnellement engagée dans une carrière que l’obligeait essentiellement à parler et à écrire. Mais elle avait souffert d’une certaine angoisse toute sa vie et parfois cette angoisse était intense, et se manifestait surtout après chacune de ses apparitions devant un public ; elle avait une « crainte d’avoir commis un impair ou une maladresse, et ressentait un besoin obsédant de se faire rassurer », dit-elle[14].
D’après Riviere, ce besoin de se faire rassurer l’amenait compulsionnellement à solliciter l’attention ou à provoquer des compliments de la part des hommes. Elle explique que l’analyse de cette femme avait montré que son comportement après ces réunions était destiné à provoquer des avances de la part d’un type d’homme particulier et que son attitude lui posait un véritable problème.
Dans son texte Joan Riviere décrit quelques rêves de sa patiente, et raconte qu’« elle en eut d’autres [des rêves] où des personnages mettaient des masques pour éviter un désastre (…) ils mettaient des masques sur leur visage et échappaient ainsi à la catastrophe »[15]. Riviere dit que « la féminité pouvait être assumée et portée comme un masque »[16], c’est-à-dire utilisée pour « dissimuler l’existence de la masculinité et éviter les représailles qu’elle redoutait si l’on venait à découvrir ce qui était en sa possession ; tout comme un voleur qui retourne ses poches et exige qu’on le fouille pour prouver qu’il ne détient pas les objets volés »[17] – qu’elle n’a rien volé.
Pour Moustapha Safouan, la crainte dont parle la patiente d’avoir commis un impair ou une maladresse ne correspond pas à une crainte de n’avoir pas assez réussi, mais à la crainte d’avoir trop réussi, d’avoir dépassé la limite, dit-il. « Dès lors, on conçoit que la même inclusion dans la classe des hommes puisse être pour la fille chose ‘permise’ (…) Le sujet ne saurait adjoindre le phallus à son image sans avoir les plus grands ennuis avec la loi »[18]. Sa « double action », serait donc une façon de chercher à faire disjonction de cette place phallique. Pour Safouan elle se déguise en femme castrée, elle porte le masque de l’innocence, pour se montrer moins menaçante. Elle cache son phallus et l’attribue à l’Autre.
À notre avis la féminité et le pouvoir ne sont pas incompatibles, certes il peut y avoir un discours social dominant, mais en ce qui concerne la psychanalyse, la relation doit être toujours pensée dans le un par un. Et le malaise de la femme de pouvoir ne trouve pas ses sources dans la relation entre la femme et le pouvoir à proprement parler, il faut plutôt interroger la façon dont le sujet habite cette place : si la femme en question jouit de la place de pouvoir, de la position phallique, interroger le rapport du sujet au phallus et à la castration. Est-ce que le « pouvoir des femmes » consisterait à savoir transiter entre une position phallique et une position « en femme » qui consisterait à porter le masque de la féminité quand cela convient ?
L’invention ou le pouvoir des femmes
Nous avons interrogé la question des femmes de pouvoir à partir de la relation au phallus. Maintenant nous allons approfondir la question du pouvoir des femmes : est-ce que la femme pourra constituer sa relation au pouvoir par ailleurs, c’est-à-dire à travers une invention qui ne passe pas que par l’identification phallique, mais surtout par son savoir faire ?
Nous avons vu que Freud parlait du primat du phallus pour désigner le passage par une seule organisation de la libido. Dans ce sens Pickmann explique que l’inconscient ne reprend pas à son compte cette réalité biologique, l’existence de deux sexes anatomiques, il la « néglige »[19]. Pour Lacan, le savoir inconscient ne dit rien du sexe féminin. Et si le sexe féminin en tant que tel échappe au signifiant ou encore si, selon le fameux aphorisme, La femme n’existe pas… comment le représenter ? Freud a bien cherché en se demandant Qu’est-ce qu’une femme ?
Depuis les années cinquante, Lacan a constaté qu’il n’existe pas de symbolisation du sexe de la femme comme tel. Il soutient que dans l’inconscient nous ne trouvons que la référence phallique, de ce fait le sujet, homme ou femme, ne dispose que du phallus pour s’orienter. Dans cet ordre d’idées la loi est déterminée, spécifiée par le phallus, ce qui fait de la loi phallique une sorte de règle universelle, totalisante. Dans les années soixante, lors de son séminaire sur l’Angoisse il a même interrogé les analystes femmes dans l’espoir que, peut-être, il y avait quelque chose qu’elles seules étaient capables de transmettre à propos des femmes. Dans ce contexte il parle des « facilités de la position féminine quant au rapport au désir », à partir de la perspective d’une position de souplesse. Dans cet ordre d’idées la position féminine fait allusion à un espace non rempli, dans le sens qu’il n’est pas forcément nécessaire de chercher à le représenter. C’est dans ce contexte qu’il propose une analogie entre la position féminine et celle de l’analyste[20]. Dans ce sens la particularité du féminin c’est justement la possibilité d’occuper cette place sans forcément la remplir. La position féminine dont parle Lacan, qui n’est réservée qu’aux femmes entraîne l’idée de mettre la fonction phallique au deuxième plan, dans la mesure où la femme ne s’occupe pas de montrer sa puissance. Elle n’est pas dans la logique du tout phallique. Plus tard, dans les années soixante-dix, Lacan systématise le pas-tout, que n’est pas-tout inscrit dans la logique phallique, il propose une autre logique concernant la relation au phallus.
Nous avons vu que lorsque Freud propose l’idée d’une féminité accomplie et établit le chemin par lequel il faut passer pour achever la féminité, ne cherchait-il pas à signifier le sexe féminin, à remplir la place non occupée concernant le savoir sur le sexe féminin, en le mettant du côté de la logique du tout ?
La théorie analytique et la clinique témoignent de la façon dont les femmes sont confrontées à la recherche de leur substance de femme. C’est pourquoi la question Qu’est-ce qu’une femme? ne cesse pas de s’inscrire. Par exemple, dans le cas Dora, au moment où elle interroge le savoir sur son sexe, c’est sa recherche qui motive son idolâtrie pour Madame K. ou encore sa longue méditation devant la Madone. Elle interroge les figures de femme dans son entourage et cherche à constituer sa féminité.
Dans cet ordre d’idées on interroge l’inexistence de La femme. Existe-il une substance de la féminité ? Y a-t-il un signe visible de féminité qui caractérise La femme ou qui démarque la féminité? En ce que concerne la psychanalyse nous touchons la question à partir de deux perspectives : celle de la féminité, telle que Freud la conçoit et le champ du féminin. Si la féminité peut être pensée comme ce qui « fait la femme », ce qui la représente (caractéristiques, comportements, discours social…), le féminin est la façon dont on incorpore les modèles, il fait allusion à une essence cachée. La psychanalyste Sylvie Sésé-Léger le traduit bien: « La féminité, dans ses atours, en est la face manifeste. Le féminin est réceptacle »[21]. Le féminin se joue dans la relation à l’Autre, au tout. Il est toujours en train de se constituer et de s’inventer, c’est pourquoi le féminin n’a pas de modèle, d’où l’impossibilité de le réduire à une seule vérité.
Mais l’illusion d’une consistance de la féminité se fait très présente. Par exemple, dans le cas du ravage, une mère pourra utiliser sa fille pour donner consistance à son être-femme, signale Pickmann[22], dans le sens où elle croit avoir Le savoir sur le sexe féminin et qu’elle est capable de transmettre la bonne féminité à sa fille. Pour Lacan, si une femme entre dans le ravage c’est parce que le pas-tout est masqué, englobé dans un régime du tout-phallique, donnant l’illusion d’une « possible transmission de la féminité en se passant du phallus ». Patricia Léon explique que le ravage est justement l’enfermement dans la demande d’une transmission d’une quelconque « essence de la féminité »[23], cette aliénation dans la logique du Un, du tout-phallique. Tandis que le pas-tout dit l’ouverture vers le féminin pour une femme, il ouvre une issue différente à la féminité[24]. La femme va inventer sa féminité à partir d’une copie sans modèle.
Il n’y pas de substance de la féminité, mais l’essence du féminin. Le pas-tout, tel que Lacan le conçoit, ne porte pas une connotation négative du phallus, il ne fait pas allusion à l’incomplétude, il ne s’oppose pas au phallus… car il n’est pas-tout dans la logique phallique. Il va prendre appui sur le phallique en donnant lieu à sa limite, explique Patricia Léon. En proposant une ouverture à une logique autre que celle de la complétude du tout, en ouvrant un espace pour l’invention de la féminité. Et c’est justement l’impossibilité, l’acceptation de l’impossibilité, qui va ouvrir le chemin vers le féminin. C’est peut-être dans ce sens que Lacan disait que chercher la réponse à Qu’est-ce qu’une femme? est le contraire de l’être[25] – elle n’a pas à le trouver. Elle a peut -être à l’inventer.
En 1933, lorsque Freud parle de la technique du tressage et du tissage en tant qu’une invention féminine, il semble prendre distance avec l’idéal de la féminité et de la complétude. Pour Freud, cette invention est due aux effets du manque du pénis sur la structuration de la féminité. Freud ne semble-t-il pas évoquer quelque chose de l’ordre du savoir-faire avec le manque ? Est-ce que la voie de l’invention consiste en une solution pour répondre à l’impossibilité de signifier le sexe féminin ?
S’il existe un pouvoir des femmes, j’oserais dire que c’est justement celui de se libérer de la pensée de l’Un, de renoncer à la logique du tout phallique pour avancer sans modèle sur le chemin de sa propre féminité, du côté de l’invention.
Conclusion
Si la dimension de la culture est traversée par la domination masculine ainsi que par la logique phallique, le pouvoir ne se trouve pas forcement associé à la femme. Néanmoins en ce que concerne la psychanalyse il ne s’agit pas de mettre une étiquette ou de dicter ce qui relève du masculin ou du féminin – mais d’interroger la relation du sujet, homme ou femme, au pouvoir – s’il jouit de cette place de pouvoir, interroger son rapport au phallus et à la castration.
Nous avons vu que lorsque Freud établit le chemin par lequel il faut passer pour arriver à la « féminité accomplie »[26], il cherche à remplir la place non occupée concernant le savoir sur le sexe féminin, en le localisant du côté de la logique du tout. Il a revisité sa théorie de la féminité plusieurs fois, a changé d’avis et à mesure qu’il cherchait une réponse pour sa grande question Qu’est-ce qu’une femme ?, il finissait par ouvrir d’autres questions.
Et au moment où il « laisse tomber » et annonce que sa question est restée ouverte à l’élucidation[27], c’est comme s’il avait finalement trouvé la réponse : « Qu’est-ce qu’une femme ? », la question reste toujours ouverte. Il n’y a pas de représentation de la femme, elle n’est pas inscrite dans la logique du tout phallique – comme le signale Lacan, elle n’a pas à trouver le phallus. Ainsi, s’il existe un pouvoir des femmes, mais qui n’est pas réservé aux femmes, c’est celui de s’inventer sans modèle, de jouer avec le pas-tout phallique… ou La femme n’a qu’à être tisseuse de sa propre robe.
Pour finir, quelques mots du poète brésilien Manoel de Barros :
« Com pedaços de mim eu monto um ser atônito/ Tudo que não invento é falso »[28] :« Avec des morceaux de moi-même je fais un être étonné / Tout ce que je n’invente pas est faux ».
[1] S. FREUD, « Sur la sexualité féminine », La vie sexuelle, Paris, PUF, 1973.
[2] J. LACAN, Le Séminaire livre III Les Psychoses, Paris, Seuil, 1981, p. 198.
[3] Id., p. 199.
[4] Id., p. 198.
[5] Ibid.
[6] Id., p. 200.
[7] J. LACAN, Le Séminaire livre IV La relation d’objet, Paris, Seuil, 1994, p. 123.
[8] Ibid.
[9] J. RIVIERE, « La féminité en tant que mascarade », in Féminité Mascarade : Études psychanalytiques réunies par Marie-Christine Hamon, Paris, Seuil, 1994.
[10] Id., p. 198.
[11] Id., p. 198-199.
[12] Id., p. 199.
[13] Ibid.
[14] Id., p. 200.
[15] Id., p. 202.
[16] Ibid.
[17] Ibid.
[18] M. SAFOUAN, La Sexualité féminine dans la doctrine freudienne », Paris, Seuil, 1976.
[19] C.-N. PICKMANN, « L’hystérique et le ravage » in « Actualité de l’hystérie », Ramonville Saint-Agne, Éditions Erés, 2001, p. 160.
[20] Question que j’ai développé au cours de la journée d’étude du CIAP 2012 « La question féminine en débat ». Voir E. dos Mares Guia « L’analyste en femme ? De la place de l’analyste à la question féminine », in M. Zafiropoulos (dir.), La question féminine en débat, PUF, Paris, 2013.
[21] S. SESE-LEGER, L’Autre féminin, Paris, Éditions Campagne Première, 2008, p. 196.
[22] C.-N. PICKAMANN, « L’hystérique et le ravage », op. cit., p. 15.
[23] P. LEON, « Pas toutes les femmes veulent ne pas ressembler à leur mère » in Pas-toutes les femmes, Association de Psychanalyse Jacques Lacan, Ajaccio, 2005.
[24] Ibid.
[25] J. LACAN, Les Psychoses, Paris, Seuil, 1981, p. 199-200.
[26] S. FREUD « Sur la sexualité féminine » in La vie sexuelle, Paris, PUF, 1973.
[27] « La grande question restée sans réponse et à laquelle moi-même n’ai jamais pu répondre malgré mes trente années d’études de l’âme féminine : Que veut la femme ? » (S. Freud cité in E. JONES, La vie et l’œuvre de Sigmund Freud, T. II, PUF, Paris, 1961, p. 445).
[28] M. de BARROS, Livro sobre o nada, Rio de Janeiro, Record, 1996.