LES « LETTRES DE DIVAN » DE JACQUES DUPIN – ÉCRITURE ET TRAVERSEE DU FANTASME

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LES « LETTRES DE DIVAN » DE JACQUES DUPIN – ÉCRITURE ET TRAVERSEE DU FANTASME

Marianne BRAUN

 

 

 

 

À la lecture d’un poème de Jacques Dupin, un instant ai-je pensé, ou pressenti, pour autant que la joie borde parfois l’effroi, que l’analyse pourrait ne pas être le seul cadre permettant une traversée du fantasme, cette possibilité pour le sujet, de traverser une mise à jour par la parole de l’écriture du fantasme, sa formulation, la prise de conscience de l’autorité de cette écriture, le deuil de son principe moteur, et enfin, la libération de l’emprise et peut être, l’attendrissement pour la tentative perdue.

 

Après une vie d’écriture Jacques Dupin, poète et directeur d’édition pour les galeries Maeght puis Lelong, réalise par l’écriture d’un poème, donc dans la sublimation, une inversion du but même de la sublimation. Un poème qui ne reconduit pas le désir mû par le fantasme, mais qui semble assassiner le sujet de ce fantasme, peut être le fantasme lui-même. Jacques Lacan évoque les liens entre écriture et langage, au plus proche de celui entre fantasme et mythe : « en ce sens où on ne parle jamais qu’à partir de l’écriture »[1].

 

Il existe, dans le psychisme, une fiction dont résulte un écrit, la formulation du fantasme du sujet. Chez Jacques Lacan, une chronologie ordonne langage-écriture-parole, et fait précéder le fantasme fondamental, dans lequel s’enferme le sujet pour se déprendre de la jouissance de l’Autre.

 

Si fantasme et sublimation vont de pair, lorsque la sublimation réalise la structure même du fantasme, comment pourrait-elle aussi en être une issue, réaliser l’envers de sa production, performer une traversée du fantasme ?

 

A partir de ce que j’ai présenté en janvier 2023, à la journée d’étude du C.I.A.P. « Les buts de la psychanalyse, clinique du cas et des masses », le dialogue entre le dernier texte écrit par Jacques Dupin et la séance du séminaire du 29 juin 1960 de Jacques Lacan sur « Les buts moraux de la psychanalyse »[2], offre l’occasion de questionner les spécificités de la pratique psychanalytique quant à la fin d’analyse, et les liens qu’elle suppose avec l’écriture, comme de ce qu’il en fut du destin de Jacques Dupin.

 

Le dernier écrit

Durant l’hiver 2010, à bientôt 83 ans, après plus de 60 ans d’écriture, n’écrivant plus depuis quelques années ou « mal » selon lui, Jacques Dupin demande à son ami Francis Cohen, professeur de philosophie, critique littéraire et poète, s’il serait utile d’engager une analyse.

 

Craignant que le temps manque, ou considérant que l’analyse n’est pas pertinente, un contrat amical est proposé : qu’il lui écrive, dans l’idée que la contrainte relance l’écriture.

 

Jacques Dupin écrit quinze lettres, durant six semaines, qu’il adresse par voie postale à son ami. Treize poèmes, dont un récit de rêve, un récit d’enfance en prose, et une lettre qui « est venue s’interposer »[3], un matériel analytique qui témoigne d’une élection de son ami en place d’analyste.

 

Jean Frémon, Dominique Viart et Nicolas Pesques nomment ces courriers, jusqu’alors inédits, pour leur publication au sein de Discorde, les « Lettres de divan (…) genre inédit »[4] de lettres que Jacques Dupin aurait inventé, et révèlent au lecteur ce que seul son ami avait lu.

 

Chacun de ces poèmes mériterait une étude, mais c’est l’ultime poème de cet ensemble, le dernier poème de Jacques Dupin, qui attire l’attention, par un subtil changement de style. Les trois derniers poèmes arrivent après un plus grand espacement des envois, puis le dernier, dès le lendemain. Il sera le dernier poème qu’il a écrit.

(19.3.2010)

La postérité m’éclabousse

régurgite les poissons, les aléas

de la vie vécue

 

j’ai beau me gonfler la crête

j’ai beau vrombir de la glotte

j’ai beau me gratter le cul

Rien n’écrit

 

j’ai beau consonnifier la syllabe

et syntagmer le cri en ut

ratisser devant ma porte

 

sublimer l’arrêt du cœur

rien n’écrit, ni cri ni fleur

le disque outrecuidant dont j’abuse

 

éclabousse de merde

la postérité[5]

 

Bien que Jacques Dupin tienne son incapacité à écrire pour être articulée à sa difficulté grandissante à marcher, l’écriture étant comme la marche « ce qui met en mouvement »[6], je suppose qu’aucune pathologie physique ou cognitive n’est suffisante à expliquer l’arrêt de l’écriture, et particulièrement lorsque celle-ci suppose l’immobilité. Ce n’est pas non plus du fait d’une interruption de la relation à son lecteur, qui maintiendra des liens d’amitié avec lui jusqu’à sa mort.

 

Il décède cependant deux ans et demi plus tard sans avoir écrit.

 

Pourquoi après ces lettres, Jacques Dupin n’écrit-il plus, sans revenir à la question qu’il posait à l’origine, le constituant comme sujet supposé savoir quant à la nécessité d’entreprendre une analyse ?

 

L’inhibition a-t-elle gagné ? Que s’est-il passé face au barrage à l’analyse, dans l’écriture, durant ces six semaines ?

 

S’il y a barrage à l’analyse, que devient la demande, le refoulé de l’analyse ?

 

La détresse

Devant la rythmique du poème et la répétition de l’aveu d’impuissance, nous ne sommes pas seulement les récepteurs d’une plainte de « ne plus », d’une plainte concernant des écrits qui ne viennent pas, mais de textes qui le contraignent à une place de reclus dans l’impuissance, d’un retranché qui scrute dans l’obscurité l’irruption, par coupes et rejets, les mots pour aiguiser la langue jusqu’au plus juste du vécu.

 

Jacques Dupin fait apparaître ce qui dans la nostalgie constitue le temps même d’une angoisse d’avant le cri, la brûlure de gorge, scandée d’une poussée qui n’aboutit pas, quand la détresse est due à un manque qu’il ne peut ni situer/désigner, ni combler par lui-même. Angoisse que même l’irruption du cri soulagerait, dans une présence vibratoire qui permettrait de se sentir existant, par sensation de bordure interne, et dans la présence proprioceptive et sonore d’une voix secourable qui ne serait que la sienne puisque lorsque l’autre vient, il ne sort pas de la solitude, il signifie que celui qui appelle, existe.

 

Rien « ne crie » sinon le vers, quand Jacques Dupin s’efforce d’être en contact avec le « lieu de la bassesse d’où gît le poème »[7]  pour trouver « ce qui crie et bat dans le sous-sol »[8], ici l’inarticulé du cri de détresse, auquel le vers donne corps.

 

Ce cri, ce hurlement muet, adressé à personne, au lecteur, c’est-à-dire à l’absent, trouve dans l’écrit « altéré »[9] (abîmé et espace d’altérité), l’apparition de l’autre, interprété dans la texture de la voix, comme le babillage du nourrisson fait exister sa propre voix, constituée dans la proximité des tonalités de la voix des parents, présence vibratoire qui le renseigne sur sa propre existence.

 

Cette lettre poème donne corps à cette « expérience du désarroi absolu »[10] dont Lacan nous dit que le sujet « doit atteindre et connaître le champ »[11], pour « toucher au terme de ce qu’il est et de ce qu’il n’est pas »[12], qui correspond dans la cure, au moment où le fantasme fondamental peut être nommé, se tenir élaboré dans la parole, où le sujet est le seul à pouvoir répondre de cet écrit du fantasme.

 

Un désarroi qui peut mener jusqu’à l’hallucination de l’objet lorsque rien de l’autre secourable ne vient, un désarroi au-delà de la détresse « où l’homme dans ce rapport à lui-même qui est sa propre mort (…), n’a à attendre d’aide de personne »[13]. Au-delà, un désarroi « au niveau duquel l’angoisse est déjà une protection (…), en laissant se profiler un danger »[14].

 

Il conclut : Rien n’écrit, je comme Rien, n’écrit, comme le nourrisson n’a plus trace de sa propre existence si rien de l’autre, ou de lui-même, ne vient lui répondre.

 

Est-ce le rien « déchet enkysté » de la mélancolie ? Est-ce le Rien comme un Tout, un absolu de néantisation quand Jacques Dupin semble se supprimer, se rayer comme poète dans ce dernier texte, qu’il nomme « sublimer l’arrêt du cœur »[15], dans un geste tragique ?

 

Jacques Dupin accrocheur des images qui le regardent

Jacques Dupin dit du poème que : « Ce qui est trouvé là, (…), n’est pas de moi (…), ça arrive d’ailleurs. »[16]

 

Cet « ailleurs » désigne aussi ce lieu de l’autre, incorporé dans l’écriture altérée. Pour lui, la poésie « s’adresse à un lecteur inconnu. A l’inconnu de tout lecteur. Elle ne s’accomplit pas sans un « partenaire inavouable »[17].

 

Il évoque deux choses : l’inconnu du lecteur c’est d’abord le lieu de résonance du texte lors de sa lecture. Le singe, (l’auteur), ne va pas sans sa mouche, c’est à dire les 4000 facettes de l’œil qui donne autant de lectures possibles.

 

Publié souvent sous forme de livre-poème (refus du recueil), il n’existe que peu de titres pour orienter précisément la lecture de chaque poème, l’énigme se cache en creux de l’ensemble, son objet pouvant être simultanément une scène, un temps de vie, une personne, la langue, une femme, en filigrane toujours l’écriture comme objet.

 

Jacques Dupin s’adresse surtout à, et depuis, l’inconnu en soi, d’autant plus opérant qu’il est encore ignoré, le « partenaire inavouable » est interne, la poésie tendue par « le désir de l’autre, l’autre étant l’inconnu »[18]. Là se loge aussi l’absence comme lieu de la poésie.

 

Dès qu’il aura appris à écrire, enfant, Jacques Dupin écrit, mais son entrée dans l’écriture se confirme dans un transfert textuel à René Char, à qui il adresse dans une lettre, dès 1948, la déclaration d’un désir d’écrire et à qui il demande le regard : « Vous seul, qui formulez comme par miracle tout ce que je ressens confusément, vous à qui je dois tant, pouvez m’aider encore. »[19]

 

Jacques Dupin lui dit l’idéal qui sous-tend son écriture : « Je voudrais porter la vie totale à son plus haut degré d’incandescence, et pouvoir me hisser à la hauteur des espaces que vous hantez. » [20] et passe de la voix au regard.

 

Puis dans ses premiers textes « Comment dire »[21], en 1949, parlant des princes noirs de l’Art et des Lettres, dont il a « vocation d’accueillir l’héritage »[22]

Nous n’avions pas la ressource d’une prise de position violente contre ceux en qui nous retrouvions nos traits. Leur échec est aussi le nôtre. Seule une réussite apparente pouvait nous donner l’ambition de la transformer en échec, et de progresser, et de prendre le large, à partir d’une rupture franche. On ne peut édifier que sur des ruines.[23]

 

Attribuant la première faute aux poètes surréalistes, celle de continuer d’écrire la belle poésie, l’écriture poétique de Jacques Dupin ne peut que refuser les fleurs d’avant-guerre, dans une recherche d’au-delà de la poésie. A la suite de Georges Bataille et des poètes contemporains qui veulent en finir avec la poésie, atteindre « l’impossible » de peindre la vérité que la langue permet lorsqu’on s’affranchit de ses codes, lorsque l’on préfère « l’horreur, même atteinte dans la fiction, au vide du mensonge »[24], il se trouve contraint de trahir la poésie dans un au-delà de la haine de la poésie : « A la « haine de la poésie » succède la trahison de la poésie »[25], mais bien toujours, par l’opération poétique. Il rejoint donc les frères parricides et incorpore dans un « repas totémique »[26], la faute d’être soumis à cette aspiration.

 

A la suite de ceux qui poursuivent d’écrire de la poésie, même crue, aux codes malmenés, il poursuit d’une écriture très travaillée mais à peine choisie, favorisant la recherche de la vérité, laissant le poème faire apparaître ce que le réalisme ne montre pas. Un refus des images pour la vérité, celle de la poésie nue, de la nudité de la langue, traduire et réifier en mots les sensations, le vécu, l’énigme, la douleur, « le réel étant le désir, même »[27].

 

Le réel, c’est ce mur qui ne se fissure jamais, c’est le mur de livre, d’un père qui ne peut être rencontré sinon par la voix de ceux qu’il lit. Ses poèmes sont hantés par l’absence, quand la présence du réel est une présence par défaut. La tentation de gravir le mur à la recherche des anfractuosités, ascension vers ou depuis la vérité qui est celle du sujet, de la vie vécue, qui l’enjoint comme le dit Valéry Hugotte, à « insister avec violence contre le mur »[28]. Ce mur « d’autant plus vivant qu’il est attaqué, sali, corrodé, comme s’il respirait par ses blessures. »[29]

 

Valéry Hugotte évoque, concernant une similitude avec les poèmes de Reverdy : « Des poèmes comme des pierres, mais des pierres dispersées, disjointes par l’irruption du vide, bien éloignées de la paroi impénétrable du mur.»[30] Le mur ne dit rien, comme si le silence était la seule chose certaine, le réel n’est pas signifiant en lui-même. Il faut des espaces, un rythme, pour que le souffle prenne vie : « La pierre, (…), si elle peut prolonger la hantise du mur, par sa lourdeur et son opacité impénétrable, rend aussi sa solidité à un réel totalement menacé de disparition »[31].

 

Jacques Dupin écrit « adossé au mur », ou scrutant l’anfractuosité, « Allant, écrivant, traversant le mur »[32]. La solidité du silence peut être attaquée, il « déborde le texte et dénude sa foisonnante et meurtrière illisibilité. »[33]

 

Pour « transformer le mur, (…) en conjurer la limite par l’inscription »[34], il faut scruter l’obscurité, chercher l’anfractuosité, la « plaie lisible »[35] dans la recherche de l’intensité la plus forte, dans les mots, dans l’ivresse, en trouvant l’effacement suffisant de soi pour que surgisse la voix, à coups de traits qui sont autant de griffures, de reprises, d’annulations, et d’échecs, pour que surgisse « l’inaccessible parole, l’inaccessible issue à l’enfermement de la langue, à « la prison des mères » »[36], les poèmes de Jacques Dupin se construisent par rejet de la clarté, une lutte contre le jour contraignant à une lecture univoque, une grammaire intacte. Par l’illisibilité, il montre, cherche, à partir de l’obscurité, « la nuit soustraite à la nuit »[37], la monstruosité qui défait le lisible et : « Tout écrit n’est lisible qu’à l’extérieur de cette frontière en dents de scie à laquelle il s’adosse, et se déchire. »[38]

 

Ecrire, ourdir

Pour trouver ce souffle, il faut s’abstraire de la logique, celle de la grammaire, celle des normes poétiques, il faut bien poursuivre, il faut bien vivre et choisir de « descendre de l’escabeau »[39], en admettant la condition monstrueuse qui le rend aussi fautif que ses prédécesseurs, notamment les surréalistes, ceux qui continuent d’écrire de la poésie, en mettant à mort par les coupes et rejets, par leur répétition, une attaque de la langue et des contraintes formelles du classicisme, l’innocence primitive de ses pères poètes, mais également en allant au-delà, y compris de Char. Pour transgresser, il faut une loi, ou un regard. Il écrit :

Seule possibilité ou illusion de compenser ma cécité. J’ai toujours pensé que la parole — pour moi l’écriture — était une autre façon de voir, comme si les signes écrits ou parlés avaient des yeux. Etaient des yeux.[40]

 

Dès le début de sa vie de poète, il va chercher un regard. René Char l’autorise et lui permet ses premières publications et achevant de le préfacer comme suit : « Nous t’écoutons, cher compagnon, mais nous t’avisons que nous serons exigeants avec toi, presque autant que tu nous l’a recommandé. »[41]

 

C’est bien Jacques Dupin qui a placé ses prédécesseurs admirés en juges exigeant et Char qui l’AVISE [42] très justement, scelle, de le coincer dans le mythe qui le regarde.

 

Pour se glisser sous l’exigence d’une correspondance parfaite avec ce qui est à dire, issue d’une écoute scrutative, chez Claude Royet-Journoud l’« immobilité voyeuse »[43] dans laquelle le regard proprioceptif est impliqué, pour atteindre ce que ce dernier nomme « le renversement »[44], la possibilité de réifier l’abîme qui gît sous les pieds du poète, tel que Celan le définit dans Le méridien, seul le vers, (étymologiquement l’envers), le peut. Il nous dit que l’écriture « ne comble pas, mais approfondit toujours davantage le manque et le tourment qui la suscitent »[45], dans le tourment de la langue-mère, l’opération poétique est un renversement de l’intérieur à l’extérieur, le poète « assistant » à ce qui se « heurte et se découvre »[46], dans le déploiement de la langue.

 

Pour y parvenir, il se refuse à être l’auteur perceptible du poème, tel le sujet qui refuse de relire ce qu’il dit, l’analysant qui résiste quand le lapsus trahit la langue :

« On ne parle qu’au singulier/ au sanglier de la première personne/ au dernier venu/ au lecteur inconnu derrière le masque »[47].

 

Il fait disparaître le sujet de l’énoncé « Une phrase décapitée », pour qu’apparaisse le sujet de l’énonciation : « Une phrase décapitée pour que tu sois nue »[48]. Pour que la vérité du sujet apparaisse dans sa nudité, que la poésie vraie soit. L’auteur disparaît pour réapparaître là où la langue prend le relais.

« Car je travaille sur un corps — un corps dont je dois être à la fois le père et le parricide »[49]. Ce que Jacques Dupin ajoute à la haine de la poésie de ses prédécesseurs, plus encore après sa rencontre avec Pierre Reverdy, c’est la disparition de l’auteur, que le poème éjecte : la langue prend le pas sur l’auteur « écrivant ce qui me tue »[50] pour dire quelque chose d’inouï de lui, d’un « être au monde », ou de « l’Autre dans la langue »[51] : « Enfin la tête se détache. Avons-nous commencé d’écrire ? Quelqu’un s’éloigne-t-il quand nous écrivons ? »[52]

 

Là où G. Bataille utilise la convulsion, « le plaisir violent », l’horreur et la mort en allant jusqu’au non-sens pour atteindre la « fureur voluptueuse et la vérité », là où Bataille assume le crime, Jacques Dupin va pratiquer la bifurcation : trahir ses pères mais s’en dédouaner. C’est le corps du poème qui est fautif, Jacques Dupin échappe à la culpabilité d’être l’auteur qui commet le poème.

 

Jacques Dupin singe le poème dans une mimétique transgressive. Singer, déconstruire sémantique et grammaire, rire de soi, insérer de la « pornologie »[53], les ingrédients de la fabrique, « plus visibles que le lisible »[54], viennent fasciner et éloigner du lire, une poudre aux yeux de l’obscène, singeant encore la poésie de Bataille, masquant le dire, le révélant dans les reflets, et par les associations qu’il laisse au lecteur, par les glissements et dissonances ou analogies sonores mais sans rime, par des déplacements de phonèmes, ou de lettres.

 

Francis Cohen écrit : « Ici commencent les singeries du corps. Mimer c’est se laisser dédoubler, cesser d’être un. Leurre du singe. Revenir à soi, retrouver jusqu’au « borborygme/ jusqu’à l’onomatopée/ des singes » »[55], ce point de « surgissement de l’écrire (…), Mais pour que cela marche, il faut singer le pas, s’ingénier à ne pas céder à l’écriture, inventer un  pas-d’écriture. »[56]

 

Dans ces lettres de divan, dans l’avant dernier poème, la veille du drame, il livre presque la recette de sa fabrique : « Descendre de l’escabeau, j’ai suivi la pente potagère./ Face aux bois croisées de la clôture/ où la phrase va buter. »[57] Lorsqu’il est au bord de l’échec, la bifurcation par le saccage de la poésie, pour la vérité de ce qui va faire effraction, va permettre de sortir de la butée sur laquelle le poème aurait échoué, « Où la phrase va buter/ sans le « décolleté barbelé ouvert/ par les sangliers de la nuit ».[58]

 

La dissonance sur laquelle la phrase butte (assonance proche du bégaiement) est rattrapée de justesse, par l’effraction d’une pulsion primitive jusque-là tenue inconnue, dans un simulacre de violence, ou par le rire qui défend de l’effroi et de la sidération de la lecture. L’écriture « feint de s‘éprendre tour à tour des masques et des travestis que je lui tends — comme des pièges. Masques et pièges se referment sur moi. »[59]

 

Francis Cohen :

Le sacrifice est singé, (…) ce qui est sacrifié n’est que les simulacres de l’écriture. (..), sacrifice des signes conventionnels, mais les signes n’ont pas tout à fait disparu, ils reviennent, tels des simulacres singer le sacrifice dont il procède.[60]

 

Bifurcation et saccage, le « truc »[61], nous dit Francis Cohen, est d’utiliser un leurre pour entrer par effraction dans la cage du lecteur, afin de ne pas être reconnu de lui. Peut-être pour le sidérer ; le sidérer par l’effraction d’une pornologie, l’irruption d’une inversion syllabique ou phonétique, un vers bifurqué, une agression du lecteur trompé par le poète pour faire effraction dans la cage du fantasme du lecteur.

 

C’est donc par un double mouvement que Jacques Dupin réalise la transgression, attaque répétée et bifurcation, échappe à la loi de la métrique classique, au sérieux devenu risible de la recherche esthétique, « Apre est la langue après la morsure »[62], morsure qu’il rend à la langue qui nous façonne, nous imprègne et nous abuse, morsure qu’il rend par la dérision de l’autorité du poème, reprenant Jean de la Fontaine : « Qu’il soit Singe, ou qu’il fasse un livre : /La pire espèce, c’est l’Auteur. »[63]

 

C’est encore se dédouaner du sérieux de vouloir imiter ceux qu’il estime, d’éviter le jugement et le châtiment pour avoir détrôné l’autre, sacrifié la poésie, mais se faisant, la renouvelant encore. Le poème serait l’avènement et l’évitement du crime : « Meurtrier de son objet, meurtrier de son amour, meurtrier de soi dans le même instant et avec la même innocence. »[64] « Monotonie de la comparution »[65] qui se rejoue à chaque poème : le piège se referme sur « lui ». Le poète réapparaît alors qu’il s’ingénie à écrire hors de lui, se dissociant de l’écriture.

 

Déjà dans Le grésil « La résonance des pierres/ empêchée d’écrire —écrivant/ ce qui me tue/ sans une goutte de sang »[66].

 

Il se défend ainsi de la culpabilité qui fonde la constitution de la horde des frères poètes, mais reste cependant autant frère que le fils belliqueux qui va transgresser et relancer la remise en question de la loi, la poésie « Insurgée, dérangeante toujours, (…) Une inaction belliqueuse, qui est son vrai travail dans la langue et dans le monde, un travail de transgression et de fondation de la langue »[67].

 

C’est le paradoxe et l’écart de son engagement dans le poème. Et sans cesse, la répétition au sein même du poème « est à compter au nombre des coupes, rejets, qui composent le  » meurtre mouvement » de l’écriture »[68].

 

« Ecrire, ne pas écrire/ alternative inconséquente »[69].

 

Pour la réussite du poème, l’échec est doublé de « désœuvrement »[70], de meurtre ou de viol de la langue pour que le texte assassiné, proche de l’illisibilité, donne à voir : c’est « le disque outrecuidant dont j’abuse »[71] : répétition et transgression, un érotisme linguistique, grammatical, sémantique pour rite sacrificiel : « seul le sacrifice peut expier la trahison. »[72]

 

Cet « écart produisant le semblable »[73], la bifurcation, la trahison de la poésie n’empêchant pas le poème, permettant l’attaque répétée pour produire du nouveau serait-il la réussite dans le renversement, d’un ratage vis-à-vis du désir ? La nocivité de l’œuvre se trouvant dans la possibilité d’être victime et bourreau, ainsi la faute : avoir désiré occuper l’espace hanté, aurait pu être inconsciencieusement évitée, ou retardée : « Meurtrier de son objet, meurtrier de son amour, meurtrier de soi dans le même instant et avec la même innocence. »[74]

 

Cet écart est aussi l’espace vacant, dans lequel la voix de l’autre peut apparaître. L’écriture ne répare pas, elle ne résout pas la blessure fondamentale : « Il n’y a pas de plénitude, mais on a fait un pas de plus. ».[75] Un pas de plus vers soi, dans la répétition de soi, suture grossière dont la cicatrice marque et maintient l’écart d’un bord à bord manqué, dans le respect de la division qui fonde le sujet dans son inscription au registre du signifiant, constituant le « reste », comme le dit Markos Zafiropoulos citant Jacques Lacan : la « réserve libidinale qui s’appelle « La Chose » », « il s’agit de cet intérieur exclu, qui (…) est ainsi exclu de l’intérieur ».[76]

 

Voici le geste dans lequel se tient la nocivité de l’œuvre d’art : « L’objet (d’art) est instauré dans un rapport avec la Chose, nous dit Lacan, qui est fait à la fois pour cerner, pour présentifier, et pour absentifier. »[77] Pour Jacques Dupin, atteindre l’impossible, c’est faire « sourdre du réel, (la) flagrance dénudée en son au-delà réel ». [78]

 

« Pourquoi l’homme peut-il choisir d’être à lui-même son propre bourreau » et « ce qui dans la vie peut préférer la mort »[79]?

 

Pour Markos Zafiropoulos, dans Le Symptôme et l’esprit du temps, « [L’œuvre d’art] cerne la Chose au plus près, (…), cerner la Chose tout en la rendant absente »[80],

La Chose qui cause l’intensité de leur quête, [nous dit-il], ce qui est guetté (…) c’est la défaillance, l’échec, le moment magique où l’objet agalmatique de la voix, libre de toute enveloppe harmonieuse et signifiante, laisserait surgir de son plus intime la Chose, déclenchant un plus-de-jouir enfin éprouvé »[81]

 

…ici par le lecteur, créant une illusion de complétude, d’avant la division subjective, avec l’apparition du plus de jouir, contre la castration,

 

Cette chose qui doit apparaître par son absence, au lieu de la brisure ou de la défaillance, « la nuit soustraite à la nuit »[82], c’est peut-être pour Jacques Dupin la vérité qui serait contenue dans la voix de l’Autre.

 

La scène et « Le rai de lumière sous la porte close… »[83]

Faire apparaître ce qui n’a pas été dit, de ce qui n’a pas été vu, ce qui se trouverait avant la parole.

 

Au-delà de l’implacable réalité de l’absence de son père, il y a cette scène, presque originaire, qui se situe dans la chambre mortuaire du père, dont ne s’échappent que des images morcelées, sans chronologie, sans mots ni même leur seule empreinte sonore.

 

Jacques Dupin a presque quatre ans lorsque son père meurt. Il meurt quelques mois après l’empoisonnement accidentel d’un singe auquel Jacques s’identifie pour avoir « précisément son âge »[84], un frère pour lui, offert au père et gardé par Jean Boucher, le métayer à l’ « immense couteau »[85], à l’extérieur de cet univers où il est élevé, l’asile dans lequel il circule librement, livré aux appétits maternels des aliénées, et confié à Chapurlat, psychotique qui fut son ami et gardien. Les femmes aliénées et les sœurs qui le dévorent de baisers, redoublent la demande de la mère de Jacques Dupin, comme toutes les mères, à double tranchant : femme aussi impénétrable que le mur, convexe par sa demande, étouffante, et qui sera plus tard sans échanges avec lui.

 

Nous pouvons faire quelques hypothèses sur les mythes individuels qui nourrissent sa structuration et la construction du fantasme : Il y a cette vieille bonne qui était auprès du père longtemps célibataire avant son mariage avec la mère de Jacques.

 

Cette mère, veuve deux fois et dont le premier enfant n’a pas survécu, qui se tient à l’écart de son captif, peut semer le doute sur l’identité de celui dont vient le danger, et noue indéfiniment amour, naissance et mort.

 

Qui est cause de ce que ces disparitions contiendraient de fantasme de meurtre ? Est-ce de lui ou d’elle que vient « le lait plus obscur et plus entêtant que le sang bu dans sa morsure »[86] ? « Elles s’augmentent. Des voltes. Et du creusement. De la douleur qui m’écrit. De leur trahison qui me berce, qui me saoule. Qui me borde. Qui me tient éloigné d’elles…Jusqu’à la broderie du linceul… »[87]. Trahison de la langue des mères pour antidote, puisque dans la nuit, les mères conspirent.

 

Jacques Dupin, écarté durant les jours d’agonie de son père, reste avec la vieille bonne, Madame Vernet, « Sans pouvoir sortir, sans air, sans paroles »[88], puis il lui est demandé de s’agenouiller pour prier au seuil de la chambre mortuaire, dont les images éparses ne lui seront pas plus expliquées et continueront de le hanter.

 

Plus loin, il écrit : « Au-delà du non-sens, il y a la mélancolie soudain »[89] ou l’identification au père mort, ou à la sœur qu’il ne perd pas mais qui est toujours déjà perdue.

 

Ces hypothèses, issues de ma lecture de ses poèmes, Jacques Dupin ne peut y répondre et d’autres encore peuvent valoir, notamment d’autres variations concernant le sentiment de culpabilité de Jacques, quand toutes les figures auxquelles il peut s’identifier sont perdues, père, fratrie, singe.

 

La mélancolie rôde chez celui qui a besoin d’écrire sur son agenda « N’oublie pas que tu es un poète »[90], chez celui qui nomme son épouse et ses filles, lorsqu’il les présente, « Mes veuves »[91].

 

Gravir et se tenir sur la crête des mots, à la limite de l’écriture, c’est peut- être poser la question de la sentence, quand la question de l’origine, de la nuit originaire dans laquelle il scrute, accole naissance et mort quant au mystère d’une sœur perdue avant sa naissance, au mystère de la chambre mortuaire du père, au mystère de la vie qui se poursuit.

 

Voici les derniers vers des Mères : « Et le tirant de la voix/ et les sous-entendus qui trainent/ et le malentendu que/ tranche// le scintillement/ de la mort/ à l’infini de ma vie… »[92]

 

Parler de la scène, celle qu’on ne voit pas…

Il m’est interdit de m’arrêter pour voir. Comme si j’étais condamné à voir en marchant. En parlant. A voir ce dont je parle et à parler justement parce que je ne vois pas. Donc à donner à voir ce que je ne vois pas, ce qu’il m’est interdit de voir.[93]

 

Comme si une scène détenait l’image, le son et le nom de La Chose.

 

Jacques Dupin écrivant marche sur la crête. De quel côté chuter ? Celui de la culpabilité et de la mélancolie, ou celui de la vie réanimée, absoute ? Réanimée par le désir retrouvé après la chute, par l’ivresse de l’intensité, l’autorisation de vivre absout. Il est possible de penser que différents mythes peuvent nourrir la construction d’un fantasme, peut-être l’attente qu’une voix s’élève et tranche le lien qui le maintient sur cette crête, trancher et répondre du verdict. Voilà peut-être où se rejoignent la voix et le regard, dans la sentence qui résoudrait « l’irrémédiable en suspens »[94], l’autre versant de son écriture poétique, étant assurée par son travail de galeriste, qui déplace l’irruption de la Chose du côté du regard.

 

Son écriture donnerait corps et rejoue le désir de s’approcher de ce qui ne peut être ni vu, ni entendu, ne sacrifiant rien du père, puisque cherchant à faire apparaître, ce qui pourrait être sa voix.

Etant absout par la chute, bifurquant, il relance sans cesse la possibilité de gravir cette pente et de rejoindre sans cesse, cet équilibre sur la crête encore à déséquilibrer :

Expérience sans mesure, excédante, inexpiable, (…), ce n’est pas pour qu’elle triomphe mais pour qu’elle s’abîme avec lui, avant de consommer un divorce fécond, que le poète marche à sa perte entière, d’un pied sûr. Sa chute, il n’a pas le pouvoir de se l’approprier, de la revendiquer et d’en tirer bénéfice.[95]

 

Markos Zafiropoulos, citant J. Lacan : les Ecrits s’ouvrent sur le fait qu’il faut « faire porter tout le poids de l’analyse du style du côté de l’Autre de l’artiste »,[96]  « Le style, c’est l’homme, (…) l’homme à qui l’on s’adresse »[97].

 

Jacques Dupin se place dans le regard de lecteurs estimés, leur adresse un doute permanent quant à la qualité de son écriture, mais semble ne rien vouloir en savoir. Y compris avec Francis Cohen, ami et poète qu’il estime, qui condense père et fils dans l’enjeu transférentiel. Il trouve avec lui un soutien narcissique en se plaçant dans son regard, comme il l’avait obtenu de René Char.

 

« Fils » et successeur, son ami (à qui il envoie les lettres), participe, dans le réel, de la postérité de Jacques Dupin. Un objet réel qu’il est possible d’adorer ou de malmener en l’envoyant paître quant à la demande qui pèse sur ses épaules, quand il est plus risqué psychiquement d’envoyer paître les morts, les figures imaginaires, risque d’échec principalement, risque de renforcement de la hantise doublée d’hostilité.

 

Jacques Dupin lui envoie ses poèmes. Des envois parfois sans réponse.

 

Le principe ordinaire de l’envoi, de poster, suppose une adresse à un autre, un temps d’attente, l’attente d’une réponse, principe qui conduit vite, à l’instar du discours, à une situation d’infinie répétition et d’échange des places dans la communication.

 

Ici la dissymétrie règne. L’absent reste présent par le manque, en premier lieu dans son silence. Un silence qui le met face à son désir, silence qui serait précisément le lieu de l’angoisse, dans l’attente et la crainte de la demande ou de la sanction de l’autre.

 

Le destinataire reçoit mais Jacques Dupin n’en a pas trace. Il n’en a signe que lorsqu’il ne poste pas et place l’angoisse et l’attente du côté de l’autre.

 

Peut-être s’agit-il encore de s’assurer d’un destinataire qui tenait sa place, ou de briser l’absence, l’insupportable silence.

 

Ce jeu de l’écriture quant à la répétition de l’adresse à l’absent se joue DANS l’écrire. Tel un jeu de « Fort-Da »[98], l’écrivain réalise une mise en relation avec lui. Projeter au loin, ce qui procède d’une parole initiale, dans l’écrit, produit la mise en relation répétée avec le perdu/retrouvé de l’absent et de soi et le maintient comme « supposé tout puissant, idéalisé, puisque sa réponse ne rencontre pas l’épreuve de l’expérience »[99], l’objet n’étant pas réel, mais imaginaire, au contraire de la frustration.

 

Jacques Dupin écrit : « L’absence est le lieu de la poésie, son séjour, son lot. (…), elle n’a jamais eu droit de cité. Elle est dehors. (…), insaisissable, elle ne répond pas aux questions ».[100]

 

Ce qui est trouvé, le retour du jamais identique, le « Da », constituant le poème, est autant faire réapparaître l’autre que se trouver soi.

 

Jacques Dupin ne remet pas à son destinataire quelques textes supplémentaires glanés par insistance de la demande. Il entre dans une démarche spéculaire qui le protège comme le contraint dans une soumission masochiste, étant vu, ne s’attendant pas à se voir sur la crête qui le mène au bord du silence, comme celui qui produit de la voix au lieu où il la cherche.

 

L’écriture, chez Jacques Dupin, est rejouée à partir du vide, la relation à l’absent un pas de plus dans la rencontre de l’autre, dans la boiterie que le rythme de la répétition rend possible, « marcher en claudiquant/ aller vers toi/ qui m’est chair et que je blesse »[101], par l’attaque de cette langue qui le fonde. Le désespoir de la rencontre de l’Autre se déplace du côté de l’attente, une attente qui se doit d’être déçue, frustrée, pour que la relance opère : « l’autre, le quatrième mur de la chambre, étant le mur de papier, le support de l’écriture, (…), — de l’attente répercutée… »[102]

 

Le premier livre publié de Jacques Dupin se termine sur ce vers : « Ignorez moi passionnément »[103].

 

La composition de Discorde rassemblant ses premiers et ses derniers textes a tout son sens : une boucle de « Ignorez-moi passionnément » à « éclabousse de merde/ la postérité »[104], achève l’œuvre, il aura peut-être écrit entre deux lettres, la « Lettre à Char », et les « Lettres de divan ».

 

La mise à mort de l’écrivain

Dès les premiers écrits, le sentiment de la tragédie plane sur son œuvre. « Roi que je fus, ta couronne est un appel au meurtre. Un appel sans réponse. J’ai joué pour perdre et j’ai gagné : je suis perdu. Puissent vos têtes et l’oubli retomber sur ma mort ! »[105].

 

Dans les Lettres de divan, après avoir décrit le retranchement dans lequel il se trouve désarmé, après avoir parlé de lui comme écrivain, de son art, après avoir traversé des mouvements agressifs, descendant ses cinq lignes comme on perd les moyens destinés à une putain, Jacques Dupin écrivant trouve la mort, « sublime l’arrêt du cœur » et « éclabousse de merde la postérité »[106].

 

Face aux fils, aux frères, aux pères et mères qui attendent de lui qu’il soit Jacques Dupin, qu’il produise encore et désire encore, il se supprime. Renonçant à écrire, allant au-delà de ce trait qui fait son style, il se libère de la nécessité d’écrire.

 

À la différence qu’il écrivait jusque-là sans pronom personnel, ni adresse, « Il y a quelque part, pour un lecteur absent, mais impatiemment attendu, un texte sans signataire »[107], nous avons ici une main, une plume qui tranche, grâce à la réapparition du sujet dans le retournement masochiste contre l’autre. Le flirt récurrent avec le bord sur lequel la poésie menace d’échouer s’affirme cette fois non dans l’échec, mais dans le rejet de l’attente de l’autre. J. Dupin dit à ce moment-là qu’il ne relance plus l’attente mais « éclabousse de merde/ la postérité »[108].

 

Il renonce, dans un simulacre de passage à l’acte, postant sa lettre poème dès le lendemain, accélérant la temporalité habituelle, déjouant le cadre il saisit le destinataire et déstabilise les places, destituant l’autre, ou feignant de le destituer pour le faire apparaître.

 

Réapparaissant dans un mouvement où il retourne son arme contre l’autre, on peut se demander s’il se supprime, du moins comme écrivain.

 

A-t-il vraiment traversé dans la solitude la plus crue, sans que la moindre voix ne s’élève, la détresse fondamentale et meurt-il de « La vraie mort, où lui-même raye son être »[109]? À la demande régressive et à l’espoir de retrouver une capacité de sublimation, passerait-il à la question d’être Rien, c’est-à-dire être Tout, dans l’absolu d’un geste de sujet, dans lequel il n’est plus aucune vanité mais la liberté de se supprimer comme sujet du fantasme et objet du désir de l’Autre ?

 

« Cesser d’écrire n’est pas s’exposer (…) Cesser d’écrire n’est pas disparaître ; et disparaître n’est pas finir. »[110]

 

Que sacrifie-t-il ? A-t-il jamais renoncé au fantasme de faire surgir la voix de l’absent ? Là où peut être croyait-il éviter l’expérience de l’analyse, quelque chose aurait tout de même eu lieu.

 

Ce qu’il ne retrouve pas n’est pas la capacité d’écrire mais la nécessité d’écrire, traversant un dépècement de sa subjectivité d’écrivain. Ce n’est pas le même renoncement, il atteint la possibilité de se dégager de la place à laquelle l’Autre le convoque, et de la place à laquelle son désir convoque l’Autre, sans endosser la culpabilité d’un désir latent de ne plus écrire, du meurtre des figures idéalisées, sans être en échec vis-à-vis d’elles.

 

Ceci n’est pas une analyse. Pour se faire il aurait fallu que l’écrit retourne à la parole, que cette parole se déploie dans une scène transférentielle, dans lequel le regard ne ferait pas surgir l’absent mais qui restituerait à l’analysant ses propres contenus, sa propre production fantasmatique.

 

Une analyse aurait été un chemin inverse de la désécriture et du pas écrire, un phénomène d’autorisation, d’avènement d’un auteur conscient de la subjectivité contenue dans son fantasme. Admettre cette subjectivité, c’est admettre que personne ne viendra, personne ne viendra répondre du fantasme qui ne fut que le sien.

 

Or Jacques Dupin pouvait dire qu’il ne se relisait pas, il feint de ne pas avoir lu ce que le poème vient lui dire. « Je suis le dernier à l’entendre, et de si loin que ce n’est plus ma voix »[111].

 

Lacan le rejoint :

« C’est en ça que l’écrit se différencie de la parole, (…), il faut y remettre de la parole, (…), pour qu’il soit entendu. »[112]

 

 « Sans l’écrit, il n’est d’aucune façon possible de revenir questionner ce qui résulte (…) de l’effet de langage comme tel, autrement dit de l’ordre symbolique, (…), le lieu de l’Autre de la vérité. »[113]

Jacques Lacan rappelle que l’écriture vient d’une parole, antérieure à l’écrit. Une parole qui vient prendre sa place dans le discours de l’Autre, déjà considéré comme un écrit, comme loi de l’Autre inamovible et régissante, face à laquelle le sujet se voilera du fantasme, interprétation costumée dans laquelle il peut avancer, au prix de s’aliéner dans une tension vers une réalisation sans cesse manquée, un impossible à rejouer.

 

Jacques Dupin prend il conscience de ce qu’il fait lorsqu’il écrit ce dernier texte ? Se relit-il ?

 

Du Singe au Héron

Lui qui ne se relit pas en aurait quand même su quelque chose, voire l’apprend en écrivant, comme l’artiste apprend de la suspension sur un dernier trait, la dernière touche d’un tableau, sans pour autant le décider, que ce sera la dernière, l’a peut-être appris de ce texte, ou de son postage.

 

Non seulement il n’adressera plus de plainte de ne plus écrire, à son destinataire, mais il évoquera avec lui d’intituler ces textes « Le Héron ».

 

Ce volatile à crête, au col svelte, surmonté de la courbure de la question, peut, les pieds dans la boue des bas-fonds, après une longue et fine observation dans l’obscurité des eaux, et dans l’immobilité presque absolue, saisir le poisson dans l’embrasure d’une perception, que le coup de bec va immortaliser tel un rayon de lumière photographique, et qui peut être considéré comme l’animal totem du poète. Le héron qui lui mange dans la main, dans un apprivoisement identitaire.

 

Il ne restera plus qu’aux suivants, qui sont venus, oui, de les régurgiter, singeant le maître ou lui réclamant d’autres textes, d’autres poissons.

 

Dans les lettres il écrit :

« Un serviteur enclin au vertige a perdu/ ses jambes, a perdu ses yeux. Né/ de la folie d’un rassemblement (Chœur), (…), Mange-moi/ la main, s’écrie le Héron. Il ».[114]

 

Le héron serait le totem qui passera de père en fils qui scruteront, les pieds dans le marécage, les eaux, à leur tour à la recherche des poissons, ce qui glisse et échappe tant qu’ils ne sont pas saisis dans l’écriture poétique, comme la trouvaille, le sens qui échappe si un pas de retrait le fait disparaître dans le scintillement de l’eau déplacée. Ce héron est le singe du héros depuis son empreinte sonore, jusqu’à l’acte tragique dans lequel le singe écrivant devient le héron qui se donnant la mort, coupe la question, l’ « autre question. (…) la question de l’être dans le monde, et de l’autre dans la langue », question de laquelle la poésie « se devait de refuser la réponse pour surgir »[115].

 

« Une plume signe, une aile se décompose ».[116]

 

Confronté à son silence, quand ni voix ni regard ne lui permettent de se situer dans son agencement à l’idéal, Jacques Dupin retourne contre son ami son arme, lui donnant à voir, dans un mouvement agressif, l’échange des places qui fait passer l’angoisse à celui qui reste face au vide, face à la question.

 

Peut-être est-il possible que ce poème qui rompt avec l’écriture, qui ne se soumet plus à la demande de l’autre, permet de sortir a minima de l’échange engagé avec son ami, et s’il n’assume pas l’autorité de son fantasme, comme l’analyse le permettrait, il assume l’autorité de son texte, dans ce geste qui fait réapparaître un sujet. Et le sujet qui apparaît, engage le geste héroïque de se supprimer sous les yeux du lecteur.

 

Avons-nous là des Lettres de divan ou les écrits éponymes du Héron ?

 

S’arrêtant à l’écrit, ne remettant pas en jeu, dans la parole, ce qui le conduit à la nécessité d’écrire, Jacques Dupin n’en reste-il qu’au renouvellement, une dernière fois, du fantasme qui aura sous-tendu toute son œuvre ? Cette tentative de rencontrer la voix de l’Autre recherché sans cesse, qui ferait irruption pour donner le verdict, auquel il échappe consciencieusement en décapitant le texte meurtrier, en bifurquant, semble atteindre ici le temps du renoncement.

 

Chacun de ces deux titres dit quelque chose de ces derniers écrits, et là où l’accès à l’analyse a été barré, l’analyse revient dans ce titre des Lettres de divan.

 

Si la défection du fantasme a lieu dans ces écrits pas si inconséquents, nous ne savons rien du deuil qu’elle engendre, ni de la libération du sujet du fantasme.

 

A deux reprises, durant la recherche, j’ai rêvé que ce poème ait à la fois pu ne pas être le dernier et à la fois qu’il ait vraiment performé une sortie de la cage du fantasme et ainsi que J. Dupin ait su lire ce qu’il écrivait, alors même qu’il peut être effrayant de considérer que certaines analyses puissent suspendre des vies d’artistes. Mais J. Dupin nous laisse sur cette question, et il nous revient de supporter que l’énigme qui se loge derrière ces Lettres reste sans réponse. Peut-être ne pouvons-nous lire ce que nous écrivons, pas plus que nous n’entendons ce que nous disons.

 

Il aurait été possible d’attendre du cadre analytique qu’il permette une traversée consciente, un retour à la parole de l’écriture du fantasme et la présence du regard d’un témoin, un témoin — lecteur, pour celui qui traverse seul, qui apporte le soutien nécessaire pour supporter cette nouvelle liberté.

 

  1. Dupin nous laisse sur cette énigme, mais nous enseigne encore un peu plus sur l’écriture, qui suppose donc, toujours, une adresse dans laquelle se prend la question de la demande de l’Autre. Qu’elle soit réelle, supposée, héritée, écrire c’est répondre et questionner ce qui n’est pas dit, relancer l’existence de l’Autre, le réanimer dans son mythe :

 Quand je vous dis que le désir de l’homme est le désir de l’Autre, quelque chose me revient à l’esprit qui chante dans Paul Eluard comme le dur désir de durer. Ce n’est rien d’autre que le désir de désirer.[117]

 

 

 

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[1] J LACAN, Le Séminaire Livre XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant, (1971), Paris, Editions du Seuil, 2006, p. 92.

[2]J. LACAN, Le Séminaire Livre VII, L’Éthique de la psychanalyse, (1959-1960), Paris, Éditions du Seuil, 1986, p. 349-358.

[3]J. DUPIN, Derniers écrits, Discorde, Paris, P.O.L., 2017, p. 220.

[4] J. FREMON, N. PESQUES, D. VIART, Avant-propos, Discorde, op.cit., p.11.

[5]J. DUPIN, op. cit. p. 229.

[6] J. DUPIN, En son for intérieur, (interview de Olivier Germain-Thomas), France Culture, 2005, diffusion 2007.

[7] Ibidem

[8] Ibid.

[9] D. VIART, L’Écriture seconde, La pratique poétique de Jacques Dupin, Paris, Edition Galilée, 1982, p.140.

[10] J. LACAN, Le séminaire livre VII, LEthique de la psychanalyse, Paris, Editions du Seuil, 1986, p. 351.

[11] Ibid.

[12] Ibid.

[13] Ibid.

[14] Ibid.

[15] J. DUPIN, Derniers écrits, Discorde, op. cit., p. 229.

[16] J. DUPIN, En son for intérieur, op. cit.

[17] J. DUPIN, Eclisse, M’introduire dans ton histoire, Paris, P.O.L., 2007, p.39.

[18] Ibid.

[19] J. DUPIN, « Lettre à René Char » (1948), Discorde, Paris, P.O.L., 2017, p.15.

[20] Idem, p.16.

[21] J. DUPIN, « Comment dire ? » (1949), Discorde, Paris, P.O.L., 2017, p. 19

[22] Ibid.

[23] Idem, p. 20.

[24] « Il se peut aussi que, même atteinte dans la fiction, l’horreur seule m’ait encore permis d’échapper au sentiment de vide du mensonge… ». Voir : G. BATAILLE, L’impossible, préface de la seconde édition, Paris, Editions de Minuit, 1962, p. 9-10.

[25] J. DUPIN, Le soleil substitué. Dehors, Paris, Gallimard, 1975, p. 27.

[26] S. FREUD, Totem et tabou, Quelques concordances entre la vie psychique des sauvages et celle des névrosés, Paris, Gallimard, 1993 (1912,1913), p. 284-286.

[27] J. DUPIN, « Trait pour trait », Dehors, Paris, Gallimard, 1975, p. 87.

[28] V. HUGOTTE, Littérature, n°183, sept. 2016, p. 111.

[29] J. DUPIN, Matière d’infini, (Antoni Tapiés), Tours, Editions Farrago, 2005, p. 22-23.

[30] V. HUGOTTE, op. cit.

[31] Ibid.

[32]  J. DUPIN, « Fragmes », Echancré, Paris, P.O.L., 1991, p. 29.

[33] J. DUPIN, « Moraines », L’embrasure, Paris, Gallimard, 1969, p. 89.

[34] D. VIART, op. cit., p. 68

[35] J. DUPIN, Matière d’infini, op. cit., p. 22-23.

[36] Voir : J. FREMON, Brisées, L’injonction silencieuse, Cahier Jacques Dupin, Paris, Editions de La Table Ronde, 1995.

[37] J. DUPIN, « Orties », Le Grésil, Paris, P.O.L., 1996, p.65.

[38] J. DUPIN, « Moraines », op. cit., p.72.

[39] J. DUPIN, Derniers écrits, op. cit., p. 228.

[40]  J. DUPIN, Alberto Giacometti, Eclats d’un portrait, Marseille, André Dimanche Editeur, 2007, p. 68.

[41]  R. CHAR, « Cendrier du voyage, Avant-propos »  in Discorde, op. cit., p. 33.

[42]  Ibid.

[43] C. ROYET-JOURNOUD, La poésie entière est préposition, Marseille, Eric Pesty Editeur, 2007, p. 9.

[44] C. ROYET-JOURNOUD, Le renversement, Paris, Gallimard, 1972.

[45] J. DUPIN, « Moraines », op. cit., p. 65.

[46] Ibid., p. 69.

[47] J. DUPIN, Grésil, op. cit., p. 110.

[48] J. DUPIN, Lesclandre, Rien encore, tout déjà, Saint-Clément-de-Rivière, Fata Morgana, 1990, p. 31.

[49] J. DUPIN, Un récit. Dehors, Paris, Gallimard, 1975, p. 108.

[50] J. DUPIN, « Orties », Le Grésil, op. cit. p. 68.

[51] J. DUPIN, Eclisse, op. cit., p.35.

[52] J. DUPIN, Dehors, op. cit. p. 29.

[53] F. COHEN, Singeries pour Jacques Dupin, Bordeaux, Editions de l’Attente, 2010, p. 50.

[54] Ibid.

[55] Idem, p. 22.

[56] Ibid.

[57] J. DUPIN, Derniers écrits, Discorde, op. cit., p. 228.

[58] Ibid.

[59] J. DUPIN, « Moraines », op. cit., p. 67.

[60] F. COHEN, op. cit., p. 24.

[61] Idem, p. 71.

[62] J. DUPIN, Derniers écrits, op. cit., p. 228.

[63] J. de LA FONTAINE, « Le singe », Fables, Paris, Le livre de poche, Classiques, 2002, p. 375.

[64] J. DUPIN, « Moraines », op. cit., p. 78.

[65] Idem., p. 72.

[66] J. DUPIN, « Orties », Le grésil, op. cit. p. 68.

[67] Idem, p. 35.

[68] D. VIART, LEcriture seconde, op. cit., p. 122.

[69] J. DUPIN, « Trait pour trait », Dehors, op. cit., p. 86.

[70] D. VIART, op. cit., p. 123.

[71] J. DUPIN, Derniers écrits, op. cit., p.229.

[72] F. COHEN, op. cit., p.107.

[73]  « Le poème serait un écart produisant le semblable, l’écart dans le semblable soit se lire comme l’écart poétique, le poème serait le même dont il est l’écart. Parce que semblable à lui-même, le poème est son propre écart. ». Voir : F. COHEN, Idem, p. 63.

[74] J. DUPIN, « Moraines », op. cit., p. 78.

[75] J. DUPIN, En son for intérieur, Interview de Olivier Germain-Thomas, France culture, 2005, diffusion 2007.

[76] M. ZAFIROPOULOS, Le symptôme et l’esprit du temps, Paris, Puf, 2015, p.178.

[77] J. LACAN, Séminaire Livre VII, L’Ethique de la psychanalyse, Paris, Editions du Seuil, 1986, p.169.

[78] J. DUPIN, « L’œil engorgé », Discorde, op. cit., p. 28.

[79] M. ZAFIROPOULOS, op. cit., p. 164.

[80] Idem., p. 176.

[81] Idem., p. 168.

[82] J. DUPIN, « Orties », Le grésil, op. cit., 1996, p. 65.

[83] J. DUPIN, Les mères, Saint-Clément-de-Rivière, Fata morgana, 1986, p. 13.

[84] J. FREMON, L’injonction silencieuse, Cahier Jacques Dupin, Paris, Editions de La table Ronde, 1995, p. 274.

[85] Ibid.

[86] J. DUPIN, Les mères, op. cit., p.16.

[87] Idem, p. 35.

[88] J. FREMON, L’injonction silencieuse, op. cit., p. 276.

[89] J. DUPIN, Les mères, op. cit., p. 49.

[90]  J. FREMON, Cahier Critique de Poésie 32, Dossier Jean Frémon, Marseille, Cip M, 2016, p. 79.

[91]  Idem, p. 84.

[92] J. DUPIN, Les mères, op. cit., p.50.

[93] J. DUPIN, « Moraines », op. cit., p. 69.

[94] J. DUPIN, Echancré, op. cit., p. 33.

[95] J. DUPIN, « Moraines », op. cit., p. 65

[96] M. ZAFIROPOULOS, op.cit., p. 166.

[97] Ibid., citant J. Lacan, « Ouverture de ce recueil », Ecrits, Paris, Editions du Seuil, 1966, p. 15.

[98] S. FREUD, « Au-delà du principe de plaisir », Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981 (1920), p. 59.

[99] Le trajet et les mouvements de la bobine semblant autonomes bien que motivés par l’envoi de celle-ci et le rappel de la ficelle, porteurs de la jouissance de voir apparaître ce qui se présente comme l’objet, non totalement reconnu comme élément de soi. Selon Jacques Lacan : « les relations du stade oral et du stade anal, (…), sont toutes marquées par un élément d’ambivalence, qui fait que la position même du sujet participe de la position de l’autre, que le sujet est deux, qu’il participe toujours à une situation duelle sans laquelle aucune assomption générale de sa position n’est possible. » in Séminaire Livre IV, La Relation d’objet (1956-1957), Paris, Editions du Seuil, 1994, p. 62.

[100] J. DUPIN, Eclisse, op. cit., p. 10,11.

[101] J. DUPIN, « Orties », op. cit., P.74.

[102] J. DUPIN, « L’écoute », Echancré, op. cit., p. 89.

[103] J. DUPIN, « Cendrier du Voyage », Discorde, op. cit., p. 52.

[104] J. DUPIN, Derniers écrits, op. cit. p. 229.

[105] J. DUPIN, « La rose et le rat », Discorde, op. cit., p. 48.

[106] J. DUPIN, Derniers écrits, op. cit., p. 229.

[107] J. Dupin, « Moraines », op. cit., p. 89.

[108] J. DUPIN, Derniers écrits, op. cit., p. 229.

[109] J. LACAN, Séminaire Livre VII, op. cit., p. 353 (A propos de la mort si « parfaitement achevée » d’Œdipe).

[110] J. DUPIN, « Le soleil substitué », Dehors, op. cit., p. 32.

[111] J. DUPIN, « Cendrier du Voyage », Discorde, op. cit., p. 40.

[112] J. LACAN, Le Séminaire livre XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant (1971), Paris, Editions du Seuil, 2006, p. 61.

[113] Idem., p. 64.

[114] J. DUPIN, Derniers écrits, op. cit., p. 224.

[115] J. DUPIN, Eclisse, op. cit., p.35.

[116] J. DUPIN, Derniers écrits, op. cit. p. 225.

[117] J. Lacan, Séminaire Livre VII, op. cit., p. 357.